A propos

L’association Semantis a pour objet de promouvoir l’accès et l’usage des technologies d’information et de communication dans le but de favoriser l’éducation formelle et populaire, la formation, la création ainsi que la diversité culturelle et le multilinguisme dans l’espace numérique.

Elle se propose d’initier ou de soutenir, y compris au plan international, toutes manifestations et projets conçus dans ce but, notamment au moyen des services et réseaux de télécommunications.

SEMANTIS

Internet et la diversité, le souci du passage à l’éthique

Le développement de « l’immatériel en ligne» conduit à poser un nombre d’interrogations touchant à l’organisation des sociétés et de leurs institutions, mais aussi aux faits culturels en tant que tels, dont celui du multilinguisme, comme élément intrinsèque de la diversité culturelle. Par la promotion du multilinguisme, considéré comme structurant la communauté internationale et faisant partie des droits de l’homme, la protection des droits individuels et collectifs des minorités linguistiques dans le cyberespace est un moyen de garantir que d’autres droits humains soient aussi garantis, tel que les droits à l’éducation, au développement, à la liberté d’expression, ainsi que les droits de rechercher et d’accéder à l’information. Il est clair que le défaut de reconnaissance pleine et entière du multilinguisme dans le cyberespace entrave l’exercice effectif de ces droits. Le souci du passage à la dimension éthique de l’Internet demeure au cœur de la problématique de son évolution.

 
Plus largement, courrier électronique, blogs, moteurs de recherche, commerce en ligne et podcasts ne mettent pas nécessairement en jeu tous les droits de l’homme, mais le rapide développement d’Internet dans nos sociétés est de nature à interroger sur le respect des droits civils, politiques, économiques et sociaux, dans leurs dimensions tant individuelles que collectives, appelant dès lors à un traitement transversal de la question, comme un nouveau rapport de médiation entre différentes disciplines des sciences humaines.
A cet effet, quelques concepts d’usage ont émergés récemment pour qualifier le niveau auquel des pays, régions ou communautés, ont accès à la société de l’information. Outre l’accès au service de base lui-même, le concept d’appropriation est mis en avant, notamment dans un contexte de développement, comme support des réseaux et services numériques qui doivent faciliter et soutenir les efforts fournis par les communautés pour améliorer leurs conditions de vie et prendre en main leur destin. Par exemple, l’Observatoire Mondial sur la Société de l’Information  (GISWatch) a récemment mené une étude sur les pêcheurs des côtes des villages du Sud de l’Inde, qui ont obtenu accès à l’information sur les conditions météorologiques et le marché de la pêche dans leur propre langue par le biais de leurs téléphones mobiles.
La notion de participation désigne un degré élevé ou non d’usage des services et applications numériques collectives par les communautés, la société civile, les groupes minoritaires, la population autochtone, les femmes ou d’autres groupes identifiables. L’actualité des réseaux dits sociaux comme Facebook ou Twitter en est l’illustration.

 
La non discrimination et l’attention portée aux groupes vulnérables soulignent la nécessité d’éviter le renforcement des asymétries préexistantes en termes de distribution du pouvoir et des ressources, en donnant la priorité aux groupes défavorisés. Il s’agît là du concept de service universel décliné au niveau européen dans le cadre réglementaire pour les communications électroniques.La pertinence et l’applicabilité de ces quelques principes doivent être appréciées à la lumière des thèmes principaux développés par le Forum sur la Gouvernance de l’Internet mis en œuvre par les Nations Unies. L’un des objectifs de ce Forum est d’optimiser le potentiel d’Internet pour améliorer le bien-être social et économique du plus grand nombre de personnes dans les pays en développement, suivant les principes d’accès à l’information, diversité, ouverture et  sécurité. Parmi ces quatre principes, la question de l’accès est d’une importance particulière dans la mesure où elle est directement liée au droit au développement.
Il est affirmé par ailleurs dans les principes dégagés lors des récents Sommets Mondiaux de la Société de l’Information que tous les individus devraient être à même de participer au progrès et aux bénéfices apportés par le développement technologique (selon les Articles 26 et 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) et que les pays en développement devraient avoir accès à Internet en tant qu’outil primordial de développement de l’éducation et de l’économie. Cependant, le rapport élaboré en 2010 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) – l’objectif #8 particulièrement, Développer un partenariat mondial pour le développement – rend manifestes les écarts existants en termes d’accès à Internet, ou encore la « fracture numérique » entre pays développés et pays en développement. La disparité d’accès aux ressources numériques demeure également importante à l’intérieur même des pays et au sein des espaces régionaux comme celui de l’Union européenne à 27, sans parler des pays du voisinage au Sud et à l’Est de l’Europe. Le rapport soulignait de surcroît “l’écart du haut débit » entre ceux qui possédaient une connexion à haute vitesse et ceux qui détenaient une connexion via modem. La thématique de l’accès à la bande large occupe aujourd’hui l’agenda international du numérique, à l’égal de celui de la cybersécurité et de la surveillance des réseaux.

 
Plus largement il avait été considéré il y a une vingtaine d’années que l’évolution des technologies numériques devait offrir un support au développement des cultures et des langues. Pourtant la mondialisation du marché et la convergence technologique en cours menacent aujourd’hui le pluralisme culturel et linguistique.  Et cela malgré l’arsenal du droit international dont le premier instrument juridique créé pour la protection des minorités a été la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide des Nations Unies. La codification des droits des minorités qui suivit a permis de mettre en place un arsenal juridique conséquent (i). De surcroît, plusieurs pays disposent de lois, commissions et institutions afférentes, ainsi que d’institutions pour la protection des minorités, dont parfois des minorités linguistiques.
Avec la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle de 2001 les questions actuelles relatives à la diversité culturelle ou à « l’héritage commun de l’humanité » deviennent des priorités. Cette déclaration fait de la diversité culturelle un impératif éthique concret, inséparable du respect de la dignité humaine. Il est à regretter que malgré l’importance et l’universalité de ce régime de droits reconnus par la communauté internationale, les technologies numériques qui catalysent aujourd’hui l’essentiel des flux d’information ont renforcé des inégalités préexistantes, en particulier, la prédominance de l’écriture en caractères latins. Des multiples fractures numériques issue de ce biais inhérent à l’architecture initiale de l’Internet, découlent de ces incidences et cela sur trois plans : (i) la difficulté d’utiliser nombres de services en raison du manque de reconnaissance des codes de caractères linguistiques; (ii) l’impossibilité d’adapter véritablement ces technologies à un contexte local; (iii) la difficulté d’utilisation de ces technologies par des personnes ayant un faible niveau d’instruction. A l’évidence le cyberespace est toujours dominé par les cultures qui l’ont façonné initialement, conduisant à la prégnance des instruments linguistiques occidentaux/latins et aux schèmes culturels dominants qui y sont associés. Il serait bon de faire retour à la maison commune d’un monde qui n’est pas seulement celui de l’objet technique mais celui des hommes.

 
C’est ainsi qu’il parait plus que jamais nécessaire aujourd’hui de situer l’évolution de l’Internet dans un espace dynamique et élargi au contrat social qu’il sous tend, et non pas lié uniquement aux impératifs industriels et commerciaux voire militaires qui ont soutenu son expansion première. Cela exige avant tout de transformer la situation actuelle par l’adoption d’un cadre général et évolutif de principes, d’instruments et de normes juridiques ainsi qu’identifier les passerelles de médiation entre les espaces juridiques distincts. Une approche transversale et pluri-disciplinaire des dynamiques de l’Internet est un chantier pour la communauté des chercheurs en sciences humaines de part le monde, comme autant de « mille plateaux » à investir selon l’intitulé de Gilles Deleuze. En complément, la question primordiale de la diversité culturelle et linguistique doit être présente en permanence dans l’agenda international de la gouvernance de l’Internet. Le nouveau contrat social de nos sociétés, celui du numérique, est à ce prix.

Richard Delmas

Co-fondateur, Président Semantis,

Ancien fonctionnaire du Conseil de l’Europe et de la Commission Européenne

i) Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (Article 27), Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques des Nations Unis , Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (adoptée par le Conseil de l’Europe), et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (document de Copenhague, 1990.

Une réflexion sur “A propos

  1. richardaix dit :

    c’est une excellente base de travail
    il y faut compléter les rubriques et inciter
    à des collaborations actives pour chacune d’entre elles

    ric

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